Clemence Émé : «J'aborderai Paris avec des ambitions»

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Interview / mercredi 24 novembre 2021 / source : alljudo


La récente championne de France qui s'envolera demain pour Ufa (Russie) où se dérouleront les championnats d'Europe par équipes, a répondu aux questions de alljudo.

Bonjour Clémence, pour commencer peux-tu nous retracer ton parcours dans le judo ?
Mes parents étaient judokas et proches de José Allari du Stade Laurentin. J'ai été licenciée à partir de 3 ans et je peux dire que j'ai appris à marcher sur le tatami. Ensuite je suis passé par le Pôle Espoirs de Nice avec Gilles Nahon en 2012-2013, puis le Pôle France de Marseille avec Marc Alexandre en 2013-2014 et je suis arrivée à l'Insep en septembre 2014 car je venais de remporter les championnats de France juniors en étant cadette 3. L'année suivante j'ai signé au RSC Champigny, car je connaissais Gilles Bonhomme qui a également commencé au Stade Laurentin. Il faut dire que plus jeune j'étais fan de Audrey La Rizza, et lorsque j'ai appris qu'elle avait envie de m'entraîner, mon choix a été rapide.

Parmi les entraîneurs qui ont jalonné ton parcours, quels sont ceux qui t'ont le plus marqué ?
Celui qui m'a vraiment marqué c'est Marc Alexandre. Pourtant je n'ai même pas fait une saison complète à Marseille car lorsque je suis arrivée, je venais de me faire opérer de l'épaule droite. Je le considère comme un génie du judo. Il m'a fait progresser sur les ashi-waza qui était déjà ma spécialité et qui sont la marque de fabrique du Stade Laurentin.
L'apport de Gilles Bonhomme lorsque je suis arrivé à Paris a également été très important. C'est quelqu'un avec qui je travaille en confiance, il a eu la même « éducation judo » que moi au Stade Laurentin, et il m'a aidé à performer, à être plus bastonneuse, à m'imposer.

Est-ce qu'il y a également des judokas qui t'ont servi de modèle ?
Oui, il y a Amandine Buchard que j'ai toujours admirée. Je suis admirative de son parcours et de sa personnalité. C'est une grande championne, une passionnée de judo qui deviendra certainement une excellente entraîneur. A Champigny c'est devenue une amie, et c'est une amie en or, toujours prête à aider les autres. Pour l'anecdote, la première fois que j'ai participé à un stage national, je faisais 57kg et elle 48kg, et elle m'avait éclaté en randori, je ne sais pas si elle s'en rappelle, mais moi ça m'a marqué.

Comment sont organisées tes semaines d'entraînement ?
Actuellement j'ai mis mes études en pause, et je me consacre pleinement au judo. J'ai passé deux diplômes dans le domaine du sport (métier de la forme et judo), ainsi qu'un BTS. Je donne quelques cours de judo et je fais des coaching, mais j'ai surtout organisé une équipe autour de moi pour être performante en judo. Concrètement je m'entraine deux fois par jour, une fois à l'Insep et une fois en club où je travaille la technique avec Barbara Harel et Sami Zran, ainsi que le physique avec Mathias Ricard. A cela s'ajoute des séances de kiné, de la préparation mentale avec Grégory Boulicaut et je démarre un accompagnement avec un nutritionniste Yoan Leroy.

Depuis combien de temps fonctionnes-tu comme cela ?
C'est récent, cela date de septembre. J'appartiens au collectif national, c'est-à-dire que je ne suis plus à plein temps à l'Insep. Au début cela m'a contrarié, mais en fait je me rends compte que c'est la meilleure chose qui pouvait m'arriver pour me renouveler, pour faire mes propres choix et être autonome.

Qu'est-ce que tu attends de la collaboration avec un nutritionniste ?
J'ai besoin de prendre de la masse. Lors des prochaines semaines je vais suivre un programme nutritionnel et un programme physique pour prendre du muscle. Lorsque j'étais en moins de 63kg je montais régulièrement à 72kg, et depuis que je suis en moins de 70kg je me suis stabilisée à 68-69kg. J'ai certainement flirté avec les 75 kg après mes deux opérations aux épaules, en 2013 et 2017, et dans ces moments-là, c'est important d'avoir un suivi mais surtout d'avoir un soutien psychologique.

Que t'apporte la préparation mentale ?
Dans mon cas c'est vraiment la clé de la performance, et c'est ce qui me manque sur l'international. J'ai des pertes de lucidité, je sors des matchs en me focalisant sur des aspects négatifs. Le travail des derniers mois avec Grégory Boulicaut a porté sur ce problème et nous avons essayé des solutions depuis les tests matchs du printemps. Cela a vraiment eu un effet positif lors des championnats de France. Pendant les « matté » je me suis concentré uniquement sur ma respiration, cela m'a permis de faire abstraction des éléments négatifs qui me viennent à l'esprit habituellement.

Et en dehors du tapis, comment as-tu vécu cette journée des championnats de France ?
Je l'ai très, très bien vécue. En 2019 je m'étais classée deuxième, mais j'avais vécu une journée épouvantable, avec des pleurs, des vomissements. Cela avait été sans aucun doute la pire compétition de ma vie et j'avais une petite crainte que cela recommence. Mais cela a été tout le contraire : j'étais sereine, ouverte, je dégageais de bonnes ondes, j'avais confiance en moi, c'était ma journée !

Qu'est-ce que ce titre change pour toi en termes d'objectifs ?
Ce titre me permet de m'affirmer comme la numéro 3 de la catégorie derrière Margaux Pinot et Marie-eve Gahie, qui sont dans le top mondial. Donc maintenant pour les dépasser c'est simple, je dois performer au niveau international. Avec le championnat d'Europe par équipes, puis la Golden League je vais avoir l'occasion de prendre des filles fortes de la catégorie, et c'est important car j'en ai rencontré peu jusqu'à présent. Ensuite il y aura le tournoi de Paris. J'en ai déjà disputé trois, et j'ai toujours été éliminée au premier tour. Au fond de moi j'étais déjà contente d'être là, de signer des autographes, de combattre à Bercy, mais cette fois je l'aborderai avec des ambitions.

Quels sont les points forts sur lesquels tu penses pouvoir t'appuyer, et les points à améliorer pour atteindre tes objectifs ?
Ma qualité c'est mon judo, mais pour pouvoir l'exprimer je dois progresser au kumikata. Je travaille ça en club, même si déteste ça, mais j'ai une grosse marge de progression. Ce qui passait en moins de 63kg ne passe pas en moins de 70kg face à des adversaires plus grandes et plus athlétiques. J'aimerai bien aussi m'améliorer dans les situations de corps à corps, car j'aime les belles projections, le judo champagne.

Crédit photo : TAL Photography


Le palmarès de Clemence Émé

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